AKROMA - La Cène
Fantai'Zic
Style : Symphonic Black Metal
Origine : France
Sortie : 2014
Site Web : www.akroma-metal.net

01. Pierre / 02. Thomas / 03. Jacques / 04. Barthélémy / 05. Matthieu / 06. Jude / 07. Simon / 08. André / 09. Jean / 10. Philippe / 11. Jacques, Fils d'Alphée / 12. Judas
Né il y a plus de dix ans du côté de Nancy, AKROMA est typiquement le genre de groupe qui ne laisse pas indifférent : insupportable pour certains, génial pour d'autres. Aucun doute, les avis seront tout aussi tranchés concernant son troisième album, La Cène, une nouvelle fois basé sur un concept religieux. La première écoute, avouons-le, s'avère plutôt indigeste : manque de repères, hurlements haut-perchés du vocaliste Alain Germonville, prépondérance de l'aspect symphonique, il est clair que de nombreuses écoutes s’avéreront nécessaires pour dompter la bête ! Une première étape vers le décryptage consiste à lire les paroles de l'album pendant son écoute, car il faut reconnaître que cette prose - style rarement utilisé dans le Metal - donne tout son sens à l'atmosphère fiévreuse et grandiloquente du disque, ainsi qu'à la performance rageuse d'Alain (chapeau bas !). Je ne rentrerai pas dans les détails de cette histoire de vengeance perverse à souhait afin de préserver la découverte, mais sachez que l'on a ici affaire à un concept très abouti. Etrangement, l'emploi de la langue de Molière, qui me paraît d'ordinaire bien peu adapté à notre genre de prédilection, passe ici comme une lettre à la poste, avec cette élégance qu'a su en son temps développer MISANTHROPE (avant de sombrer dans l’auto-parodie). Les rôles des douze apôtres sont interprétés, dans un registre majoritairement extrême, par autant de chanteurs invités issus de formations aussi diverses que SETH, DEFICIENCY, ou LA HORDE entre autres. Il convient surtout d'en retenir les prestations de SAS de l'Argilière (MISANTHROPE, à l'aise comme un poisson dans l'eau), l'excellent El Worm (WORMFOOD) et Patrick Germonville (MORTUARY). Une fois le contexte étudié, tout paraît indéniablement plus clair, y compris musicalement, et certains morceaux émergent naturellement du lot au fil des écoutes, comme « Jacques », et plus encore « Simon » qui a été choisi comme « vitrine » de l'album par le biais d'un clip très soigné. Bien entendu, ce répertoire Black symphonique aux lignes vocales denses évoque forcément le pionnier controversé CRADLE OF FILTH (les lignes de guitare exaltées d' « André », par exemple, n'auraient pas dépareillé sur Dusk... And Her Embrace). Mais à cette référence un peu facile, on pourrait ajouter les noms d'autres formations Black Metal ayant utilisé la langue française, comme ANOREXIA NERVOSA et SETH. Passés ces points de repère, il faut surtout préciser que La Cène possède une identité propre, aidé en cela par une production claire et sobre, la meilleure dont ait bénéficié le groupe à ce jour, même si on imagine volontiers qu'un budget conséquent aurait encouragé AKROMA à en faire davantage à ce niveau. Mais voilà, comme je l’écrivais plus haut, un disque si ambitieux ne peut que diviser, et certaines pistes d'amélioration peuvent être envisagées pour l'avenir. A commencer par la durée : 74 minutes de musique, c'est beaucoup ! En particulier lorsqu'elle est dotée d'un chant si agressif, même si nous avons bien compris que l'histoire a nécessité d'Alain une interprétation haineuse, et que le leader était capable de varier son style. Du fait de cette longueur, le « scénario » peut sembler un peu lent à se dévoiler. Et pour en revenir aux structures des morceaux, il est un peu frustrant de constater que certains refrains vraiment accrocheurs n'apparaissent qu'à deux reprises au sein des morceaux (« Jacques, fils d'Alphée »). Par ailleurs, les interventions des chanteurs invités ne sont pas toutes réussies, avec parfois un débit peu adapté aux paroles. Même constat pour le chant féminin, impeccable dans le registre lyrique, mais qui se prête moins bien aux textes lorsqu'il se fait plus grave en de rares occasions. Mais si ces quelques points me forcent à modérer la note globale, le bilan reste très positif, La Cène révélant ses charmes sur la durée, allant même jusqu'à s'avérer assez irrésistible. Voilà en tout cas un véritable travail d'orfèvre qui mérite d'être salué.
Chronique : Morbid S.

