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ROTTING CHRIST - The Heretics
ROTTING CHRIST - The Heretics
Season Of Mist
Style : Dark/Black Metal
Origine : Grèce
Sortie : 2019
Site Web : www.rotting-christ.com
01. In The Name Of God / 02. Vetry Zlye (Ветры злые) / 03. Heaven And Hell And Fire / 04. Hallowed Be Thy Name / 05. Dies Irae / 06. I Believe (Πιστευω) / 07. Fire God And Fear / 08. The Voice Of The Universe / 09. The New Messiah / 10. The Raven
Album après album, ROTTING CHRIST n’a jamais cessé de progresser et de se surpasser, se renouvelant afin de surprendre, avec une identité toujours aussi forte et affirmée. Cependant, depuis ΛEΛLO, l’évolution semble plus infime, moins évidente et plus subtile. ROTTING CHRIST a sa marque de fabrique, ne faisant désormais progresser sa musique qu’au travers de concepts tous différents et forts intéressants. C’est pour cela que malgré quelques redondances depuis Kata Ton Daimona Eaytoy, les Grecs se montrent toujours aussi spectaculaires, jouissifs et immersifs, et que chaque sortie est attendue comme le messie. Rituals était très inspiré, certes dans la continuité du précédent, mais plus agressif tout en gardant la flamme magique qui anime le groupe. Puis Sakis Tolis se pencha sur l'écriture du livre Non Serviam: The Official Story Of ROTTING CHRIST, ce qui, dans le même temps, lui donna l’idée d’une nouvelle thématique pour cette treizième offrande. Rien d’antireligieux, The Heretics étant seulement un hommage à des penseurs, poètes, artistes, scientifiques, qualifiés à leur époque d'hérétiques et de mécréants. Une réflexion personnelle du chanteur sur l’homme et le monde qui l’entoure, The Heretics étant en quelque sorte la conclusion de l’ouvrage écrit précédemment.
Dix titres pour presque 45 minutes d’un voyage qui laissera des traces à qui veut s’immerger complètement dans cet album. On retrouve ici du ROTTING CHRIST pur jus, avec ce mysticisme insidieux (l’intro de "In The Name Of God" et ses sons tribaux). Certes on peut y déceler des tics de composition dans certains riffs ("Dies Irae"), mais The Heretics s’avère pourtant différent de ses prédécesseurs directs, moins violent, plus mélodique que Rituals, avec une part plus importante faite aux guitares, et l’apparition de quelques leads bien sentis ("Heaven And Hell And Fire", "Fire God And Fear", le bonus track "The Sons Of Hell"). The Heretics a aussi son lot de petites nouveautés. La première chose importante, l’album a un fil conducteur, des chœurs grégoriens de toute beauté, créant une atmosphère méditative, de contemplation et de quiétude, une ambiance solennelle parfaitement en contraste avec les autres voix au ton plus dur et violent. L’enchevêtrement de ces chœurs somptueux avec la voix de Sakis Tolis est une grande réussite. Un équilibre entre noirceur et lumière ("Vetry Zlie (Ветры злые)", où l’on peut entendre le doux chant féminin russe d'Irina Zybina). Autre élément important, ces voix narrées omniprésentes ("I Believe (Πιστευω)", "Phobos") servant de lien entre les titres pour nous compter l’histoire de The Heretics, permettant de mettre en lumière les grands penseurs du monde, souvent en dualité avec l’église catholique, et finissant bien souvent sur le bûcher ou au bout d’une corde. Comme sur l’incroyable "Heaven And Hell And Fire" avec une entrée en matière sur des vers du Paradis Perdu de John Milton, et une conclusion sur une citation de Thomas Paine, ou encore sur le terrifiant "The Raven" où ROTTING CHRIST s’exprime sur un texte d’Edgar Allan Poe.
Nous parlions précédemment de méditation et de plénitude, "Fire God And Fear" est des plus explicite, avec son début si doux, au tempo médium par la suite, très mélodique, aux chœurs chaotiques, avant que la seconde moitié du morceau ne redevienne très posée, presque contemplative, débouchant sur un lead surprenant et incendiaire de George Emmanuel. ROTTING CHRIST surprend quelque peu sur "The Voice Of The Universe", qui voit la participation d'Ashmedi (MELECHESH) en guest vocal, la voix parlée y est d’une tension redoutable, s’exprimant sous différents langages tels qu'anglais, arabe, latin, comme pourrait le faire l’être soumis à la possession du malin, celui-ci s’exprimant à travers lui comme étant la voix de l’univers, et la seule à suivre, avec toujours cette lutte pour l’équilibre, par les « amen » des chœurs monumentaux. La parole de Lucifer contre celle de Dieu. Les accélérations du titre peuvent évoquer leurs compatriotes de SEPTICFLESH. Un autre grand moment de ce nouvel album. Le travail des différentes tessitures vocales est simplement phénoménal. Un travail de titan qui demandera un effort de tous les instants pour y déceler toutes les petites variations vocales. The Heretics est un joyau, tant au niveau des textes, de sa pensée, de sa ligne directrice intellectuelle, qu'au niveau purement musical. La batterie lente et lourde intronise un fantastique "Hallowed Be Thy Name" qui ne nous fera pas mentir, ROTTING CHRIST est tout simplement grandiose. Les chœurs religieux y sont fantastiques, lourds de poids et de sens, et d’une complémentarité redoutable avec la voix diabolique, venimeuse et satirique de Sakis Tolis, celle-ci s’achevant sur des murmures, comme la bête qu’il représente. Un ROTTING CHRIST magistral qui, certes, ne se réinvente pas, mais nous propose une nouvelle fois une réflexion forte, profonde, mise en musique de façon éblouissante. Ce n’est pas le genre de voyage que l’on oublie ou qui laisse indifférent, bien au contraire ! ROTTING CHRIST et son leader Sakis Tolis sont plus que des musiciens, plus que des artistes, mais bien des génies, que l’on se doit d’honorer comme il se doit.
Chronique : Papa Bordg
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