NO RETURN
Entretien avec Alain Clément (guitare) réalisé par téléphone le 03 août 2013
A l’origine prévu en début d’année 2013, cet entretien devait avoir lieu en soutien d’Inner Madness, le dernier album en date des vétérans de NO RETURN. Finalement, c’est suite à la sortie de la réédition des 2 premiers albums des Français que l’on a décroché le combiné pour appeler Alain CLEMENT, tête pensante d’une des figures de la scène Metal Française qu’il continue à mener avec force et passion. Le guitariste évoque avec nous le présent, le passé et un peu le futur avec les pieds bien vissés sur le sol, un musicien, un passionné, un homme qui ne semble pas atteint par le poids des années, l’occasion de redécouvrir 2 monuments de l’histoire du Metal !
Une grande fête du Thrash était en préparation avec DEW SCENTED avant un report car les Allemands se sont fait embarqués sur une autre tournée, est-ce toujours d’actualité ?
Alain Clément : Oui, tout à fait, si tout va bien ce sera au début 2014, en février ou mars, mais nous sommes toujours en contact et on travaille dessus.
Du coup on peut avoir l’impression que le très bon Inner Madness n’a pas reçu toute la lumière qu’il méritait, est-ce ton sentiment également ?
On a fait quelques festivals et quelques dates ponctuelles et c’est la raison pour laquelle on va remettre le couvert en début d’année prochaine, au niveau timing on aurait préféré que ça se passe autrement mais en plus de célébrer la réédition, sur ces prochaines dates on continuera de défendre Inner Madness.
Vous avez pris part à quelques festivals, l’occasion de rappeler que NO RETURN est toujours en vie, êtes-vous surpris de l’accueil chaleureux qui semble vous êtes réservés sur ces dates ?
Le public a toujours été généreux avec NO RETURN et les gens voient que l’on ne triche pas. Rien ne vaut le live, c’est là que l’on voit les bons groupes et dans ce domaine on a toujours eu un partage avec le public.
Avant d’évoquer le passé à travers la réédition des deux premiers albums, parlons du présent, avez-vous commencé à travailler sur le prochain album ?
Oui, je suis en train de l’écrire parallèlement aux dates que l’on prépare. En termes de sortie, on aimerait que ça se fasse à l’automne 2014.
Le line-up semble enfin se stabiliser, le public semble répondre présent, Great Dane Records semble vraiment être à fond derrière vous, est-ce que les planètes seraient enfin alignées ?
C’est vrai que ce n’est jamais évident, la nature humaine est quelque chose de très complexe et une personne qui semble motivée à l’instant T se révèle l’être beaucoup moins à l’instant T’. NO RETURN commence à avoir une certaine longévité donc il est pratiquement inévitable d’avoir des changements de line-up à un moment donné et je suis assez blindé avec ça, pour moi c’est la musique qui prime alors si une personne freine le groupe de part sa motivation, il y a des choix à faire. Des personnes pensent que tout est fait pour NO RETURN mais c’est un travail quotidien, il faut s’investir et sur le long terme, mais c’est vrai pour beaucoup de groupes comme ANNIHILATOR par exemple. Ce qu’il faut c’est garantir le style du groupe et dans la mesure où c’est moi qui compose depuis les débuts du groupe, il y a une continuité permanente malgré les différents changements de line-up.
Vos différents chanteurs ont toujours été bien acceptés par le public, ce n’est pas toujours le cas...
Oui on a plutôt eu de la chance de ce côté-là, il n’est jamais évident de changer de chanteur et les nôtres ont toujours été bien accueillis, c’est quelque chose de fondamental pour le groupe, c’est tout de même le frontman sur scène.
Evoquons le passé avec cette fameuse réédition, tout d’abord d’où vient cette idée ?
Il y a plusieurs facteurs mais depuis longtemps les fans nous demandaient quand nous allions rééditer ces deux albums qui étaient introuvables et en regardant sur internet on les a effectivement vu à des tarifs très élevés dépassant les 70 euros, ce qui est inacceptable pour nous, donc comme le label était d’accord, nous avons décidé de rééditer ces 2 albums au prix d’un seul. On en a profité pour remasteriser le tout avec 3 titres live, c’est un produit très intéressant je pense, surtout dans la période actuelle.
Débarrassons nous maintenant des mauvais esprits, cette réédition n’est pas due à une volonté de remettre un peu plus de projecteur sur NO RETURN en provocant un peu de nostalgie ?
Ah non pas du tout, il n’y a pas de volonté mercantile derrière tout ça.
Un gros travail a été fait sur cette réédition tant sur le son que sur le visuel, comment vous êtes-vous impliqué dans cette réédition ?
On avait donné comme cahier des charges au graphiste de refaire un artwork différent avec des clins d’œil aux originaux, on ne voulait pas d’une vulgaire réédition, d’où le remaster également.
On trouve 3 titres live en bonus avec un son plus que correct, certes brut mais très énergique, avez-vous hésité à glisser un disque live entier, pourquoi pas uniquement composé de titres de ces 2 albums ?
Notre ingénieur du son s’est bien débrouillé car les conditions n’étaient pas réunies pour enregistrer ce soir là. Il y avait d’autres titres exploitables mais on voulait juste filer un petit bonus mais pas un album live supplémentaire surtout dans les conditions roots, ça reflète bien l’énergie du groupe et ça nous convient comme ça.
NO RETURN ne semble pas s’être endormi sur la réputation de ses albums et semble toujours avoir soutenu ses albums les plus récents, vous a-t-on déjà proposé de bonnes conditions live contre un set uniquement porté sur Psychological Torment par exemple ? Est-ce un exercice qui vous intéresserait ?
Non pour l’instant, pas de proposition de la sorte, nous ne sommes contre aucun évènement et nous avons pas mal de titres à défendre mais comme on ne nous l’a jamais proposé, on ne s’est jamais posé la question, rien n’est impossible.
Je me souviens encore du choc du gamin que j’étais lorsque j’ai découvert ce premier album, une médiathèque proposait un abonnement pour prendre jusqu’à 5 CD par semaine et ma curiosité m’avait poussé vers cet album. J’ai usé la K7 sur laquelle je l’avais enregistré et puis le temps est passé. Mais lorsque j’ai réécouté cet album à l’occasion de sa réédition, c’est comme si je l’avais encore écouté la veille, te souviens-tu de l’état d’esprit dans lequel vous étiez, saviez-vous que vous teniez là un album plus que solide ?
C’est vrai que pour beaucoup de personnes ces 2 premiers albums sont cultes, à l’époque nous étions insouciants, on voulait faire du Thrash sans se préoccuper de ce qui se passait autour. Pour le premier album on est parti enregistrer avec comme directeur artistique le batteur de CORONER, c’était un rêve éveillé, ça donne l’image de notre état d’esprit. C’était que du bonheur, on trouve sur ce premier album une fraîcheur, un groupe qui a vraiment envie d’aller jusqu’au bout des choses. Quand tu es dans le truc, c’est difficile d’avoir du recul alors on juste essayé de faire les meilleurs titres, on était trop impliqué pour ressentir si l’album allait plaire ou pas.
Si un travail a été fait sur la production, le son original a été respecté et ça ne trompe pas sur l’introduction de l’album au son si caractéristique, te souviens-tu comment est née cette idée géniale qui débouche sur le terrible "Reign Of The Damned" ?
En effet, on voulait que ce soit un travail qui respecte l’atmosphère spéciale des deux premiers albums, on ne voulait pas d’une production ultra moderne qui aurait tué les caractéristiques de l’époque. C’était tout un travail avec Marquis MARKY et l’ingé-son en Allemagne, je me rappelle que l’on a beaucoup travaillé sur ce son justement et on ne pensait pas du tout avoir ce résultat si réussi avant de commencer l’enregistrement.
Pour le deuxième album, vous êtes partis aux Etats-Unis, aviez-vous cette volonté de coller un peu plus à la scène Death Metal ?
C’était vraiment l’occasion d’aller là-bas. Après c’est vrai que le premier est très Thrash alors que le deuxième est plus Death, Thrash/Death, alors lorsque le label nous a proposé d’aller enregistrer à Tampa, c’était la suite du rêve éveillé, le Morrisound était l’antre du Death Metal, les groupes que l’on adorait avaient enregistré là-bas, DEATH, MORBID ANGEL et même CORONER. On avait durcit un peu le ton, la voix avait évolué également, la partie Death était plus présente malgré les racines Thrash toujours bien présentes, la transition s’est faite naturellement et lorsque le label nous propose d’aller à Tampa, il est difficile pour nous de répondre autre chose que oui ! (rires)
Une des caractéristiques de NO RETURN ce sont ces leads de guitare qui apparaissent sur tous les albums du groupe, toutes périodes confondues, peux-tu nous dire quelles sont tes influences en tant que guitariste ?
Mes influences sont très variées, ça va du Rock au Death Metal, j’adore des guitaristes comme SATRIANI ou Steve VAI, j’adore aussi Michael ROMEO de SYMPHONY X ou d’autres tels que Marty FRIEDMAN. C’est vrai que dans NO RETURN, cet aspect mélodique est quelque chose d’important et sur Inner Madness il y en vraiment pas mal. Je trouve que c’est quelque chose qui manque un peu maintenant, j’aime bien ce mélange entre riffs agressifs et lignes mélodiques un peu Heavy.
C’est ce qui donne la couleur à un titre...
Tout à fait, c’est super important !
Quel est ton meilleur souvenir sur scène après Psychological Torment ? De même pour Contamination Rises ?
Ces deux premiers albums ont été riches en concert avec des groupes mémorables pour Psychological Torment, on a tourné avec SACRED REICH, c’était vraiment génial. Sur le deuxième album, il y a la tournée Française avec CORONER, on a aussi joué avec NAPALM DEATH et il me semble que l’on avait joué avec SEPULTURA sur la tournée Arise, ça reste un des supers moments. Il y en a eu pas mal d’autres et c’est ce qui fait notre richesse, ces rencontres, on s’est créé des souvenirs.
Quel est l’artiste qui te laisse la meilleure impression au niveau de l’accueil ?
On a toujours eu de la chance de ce côté-là, je reviens sur CORONER mais les mecs là sont des crèmes, idem pour ARCH ENEMY plus récemment, je ne te cache pas que quelques uns ont bien le melon mais ça s’est toujours bien passé de ce côté-là.
Si je ne me trompe pas, NO RETURN n’a pas encore joué au Hellfest ?
Non.
Ce serait certainement une bonne idée que vous y soyez car sur la scène Française, il y a LOUDBLAST ou AGRESSOR et cette scène n’est pas vraiment représentée, c’est assez dommage, non ?
Oui, au Summer Breeze les groupes Allemands y sont très bien représentés par exemple, en France ce n’est pas encore le cas. Personnellement, j’attribue ça à des histoires de business mais ce n’est pas moi qui fait la programmation alors je ne peux malheureusement pas y faire grand-chose.
Les différents mouvements de line-up et les périodes de silence ont certainement eu raison d’un avenir promis à NO RETURN, si tu n’as qu’un regret, une décision non prise ou prise, laquelle serait-elle ?
Ce n’est pas évident mais à chaque étape c’était NO RETURN avec nos forces de l’époque. Le groupe aura 25 ans l’an prochain, c’est déjà difficile de tenir tout ce temps et il faut le voir sur le long terme. Je ne regrette rien car peu importe le line-up ou le label, on a toujours continué à avancer, tant que tu as la passion et que tu proposes des albums de qualité, tu ne peux pas regretter grand-chose. Après il est vrai que certaines personnes m’ont déçu mais on ne peut pas réécrire l’histoire.
Justement après 25 ans de carrière, qu’est-ce qui t’anime encore aujourd’hui ?
J’ai juste besoin de m’exprimer en tant que guitariste et même si ce n’est pas tous les jours faciles, c’est quelque chose qui fait partie de moi.
Au niveau des paroles, qui s’en charge car malgré les changements de chanteur, il y a toujours eu une ligne conductrice, cette condition humaine...
En effet, le groupe me donne déjà pas mal de boulot donc ce sont les chanteurs qui écrivent leurs paroles, il m’arrive de leur donner quelques idées, quelques sujets mais c’est tout. Après c’est vrai que la psychologie humaine à travers des faits divers ou autre chose, ça a toujours été quelque chose de présent. De manière générale, le chanteur écrit ses textes et nous les soumet pour que les textes traduisent toujours ce que dit la musique donc on jette toujours un œil à cet aspect.
La recette de NO RETURN est faite à partir de Thrash et de Death, c’est un mélange très utilisé aujourd’hui par beaucoup de groupes, quel regard portes-tu sur tout cela ?
La musique est un cycle qui tourne et je ne peux qu’apprécier que des groupes continuent de perpétrer cet héritage. La combinaison des deux me plait beaucoup et avec les solos Heavy on apporte une atmosphère différente.
Propos recueillis par Aymerick Painless